Le mycobiome intestinal regroupe l’ensemble des espèces fongiques qui composent notre microbiome.
Variant de 0,03 à 2% des espèces microbiennes intestinales, le nombre d’espèces fongiques est bien moindre que celui des bactéries en présence. La caractérisation de sa composition et de ses fonctions est néanmoins à un stade moins avancé que celle des bactéries. Présents dans tous les écosystèmes terrestres et aquatiques, les champignons représentent cependant une biomasse bien plus importante que celle des bactéries de par leur taille 100 fois supérieure à ces dernières.
Ces micro-organismes ont toujours fasciné la communauté scientifique par leur capacité étonnante à digérer des composés organiques ou synthétiques qu’aucun autre organisme vivant n’est capable de faire, comme certains plastiques par exemple 1.
Malgré des difficultés techniques, liées entre autres à leur épaisse paroi, rendant l’accès à leur matériel génétique plus difficile, l’essor des outils de biologie moléculaire a progressivement permis la caractérisation de leur diversité. Dans l’intestin d’individus adultes en bonne santé, Aspergillus, Candida, Debaryomyces, Malassezia, Penicillium, Pichia etSaccharomyces constituent les principaux genres identifiés. Comparativement aux bactéries en présence, ce consortium d’espèces fongiques est de plus faible diversité et beaucoup plus dynamique dans le temps 2,3. En effet, différentes études suggèrent que peu d’espèces fongiques s’établissent de façon permanente dans l’intestin, mais seraient présentes de façon plus transitoire. Ces travaux soulignent la difficulté à l’heure actuelle de définir s’il existe un « core gut mycobiome », c’est-à-dire un sous ensemble d’espèces fongiques présent en même proportion chez tous les individus sains. De nombreux facteurs internes tels que notre génétique, notre âge ou notre sexe, ainsi que de nombreux facteurs externes, dits environnementaux, comme les conditions d’hygiène ou notre alimentation, influencent la composition de cette communauté. Certaines espèces comme celles du genre des Candida seraient favorisées par une consommation élevée en glucides, tandis que la consommation de produits fermentés (bière, pain au levain), riches en levures, favoriserait plutôt celles du genre Saccharomyces 4. L’impact de différentes diètes sur la composition du mycobiome ainsi que l’utilité de la supplémentation en levures font l’objet de nombreuses études de façon à établir dans quel contexte et par quels mécanismes cela participerait au rétablissement de l’équilibre intestinal 5,6,.
L’observation de changements dans la composition en espèces fongiques chez les patients atteints de diverses pathologies intestinales (maladies intestinales chroniques inflammatoires, syndrome de l’intestin irritable, cancer colorectal) 7,8,9,10 ou extra-intestinales (Immunodéficiences, infections virales, diabètes, obésité, schizophrénie, troubles bipolaires, etc.)11,12,13,14,15 atteste de l’importance du mycobiome intestinal pour la santé humaine. L’étude plus ciblée en modèles expérimentaux, mimant la survenue de colites*et utilisant des traitements antifongiques, montrent que ceux-ci aggravent l’état inflammatoire et retardent le rétablissement des animaux, notamment du fait de la prolifération d’espèces bactériennes pathogènes. En effet, différentes molécules produites par le mycobiome intestinal participent à la stabilité des interactions entre espèces fongiques mais également réguleraient la stabilité et les fonctions des espèces bactériennes environnantes, participant par exemple au blocage des toxines bactériennes 16. D’autres métabolites fongiques et/ou composés structuraux identifiés sont capables d’interagir avec les cellules de l’hôte, activant ou réprimant les réponses inflammatoires, ou bien participant au processus de maintien ou de régénération de la muqueuse intestinale 17,18,19.
L’étude du mycobiome intestinal, en plein essor, illustre l’importance et la complexité de mieux comprendre les interactions entre les différents règnes du vivant qui cohabitent en notre sein et participent à notre santé 20,21.
*colite : inflammation du côlon
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Auteur
Emelyne Lecuyer