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Depuis le 19e siècle, de nombreux progrès ont contribué à améliorer l’espérance de vie humaine, notamment via la prise de conscience que des germes microbiens étaient à l’origine de nombreuses maladies humaines et animales. Casimir Joseph Davaine (1812-1882) fut le premier à montrer qu’une maladie animale et humaine était causée par un microbe, en isolant l’agent responsable de l’anthrax, Bacillus anthracis. Ainsi, l’amélioration des conditions d’hygiène et les progrès de la médecine, notamment par les traitements antibiotiques, ont permis de réduire la mortalité humaine et animale en réduisant l’exposition aux germes infectieux.

Le rôle bénéfique des microbes, énoncé pour la première fois par Ilya Ilitch Metchnikoff en 1907, a fait l’objet d’une plus grande attention au cours du XXe siècle. Grâce au développement de nouvelles techniques de cultures bactériennes anaérobies puis de biologie moléculaire, l’étude du vivant intègre peu à peu celle de l’écologie microbienne des différentes populations qui habitent l’hôte. Un nouveau paradigme s’est alors établi : la diversité des communautés microbiennes que nous hébergeons est la plus vaste de la Terre. Cet hôte est alors considéré comme un « Super-organisme » à l’intérieur duquel cohabitent deux entités, animale et microbienne, qui ne forment plus qu’un [1], [2].

L’étude de populations humaines dont le mode de vie et l’alimentation n’ont pas changé depuis des siècles révèle que l’industrialisation a considérablement réduit la diversité microbienne [3], [4], [5], [6], [7].La modernité a ainsi non seulement impacté les écosystèmes nous environnant, mais également notre propre écosystème intérieur. Or la perte de diversité microbienne, et donc de fonctions microbiennes, pourrait être à l’origine des maladies chroniques inflammatoires dont l’incidence ne cesse d’augmenter particulièrement dans les pays occidentaux [8], [9], [10].

Des travaux de recherches ont permis d’identifier de nombreux facteurs responsables de notre appauvrissement microbien. Ces facteurs sont ceux-là même qui ont contribué à enrayer les maladies infectieuses et à augmenter notre longévité : l’hygiène, l’alimentation et l’antibiothérapie. En effet, l’eau et la nourriture que nous consommons sont dépourvus de germe microbien. Des normes strictes de contrôles sanitaires ont permis d’enrayer tous risques infectieux liés à nos consommations, mais en parallèle, l’ingestion de microbes bénéfiques pour notre santé est également réduite. La modernisation de nos modes de vie s’est accompagnée d’une diminution de la diversité de notre alimentation, notamment en fibres végétales qui constituent pourtant la source essentielle de nutriments pour nos microbes [11]. En lieu et place des produits fermentés habituellement consommés par les sociétés humaines nous consommons des produits transformés riches en sucre et en graisses auxquels une liste parfois longue d’exhausteurs de goût, d’émulsifiants et autres molécules s’ajoute.

Des recherches actuelles cherchent à comprendre leurs effets sur notre microbiome et donc sur notre santé à long terme[12], [13], [14].

L’intensification des modes de production agricole en parallèle de l’essor de la microbiologie médicale ont accompagné l’ère industrielle et le développement des sociétés humaines. L’utilisation massive de l’antibiothérapie pour l’élevage et en médecine humaine a permis d’augmenter la productivité et de circonscrire de nombreuses infections. Néanmoins l’emploi inapproprié ou excessif de l’antibiothérapie a non seulement conduit au développement de résistance de certains microbes vis-à-vis de ces traitements, mais également à la perte définitive d’espèces bactériennes pouvant bénéficier à la santé de l’homme [15], [16]. Le juste usage des antibiotiques est un impératif et l’on cherche maintenant à comprendre les impacts d’autres traitements médicamenteux sur notre microbiome et vice versa[17].

Prévenir et guérir l’appauvrissement en espèces de notre microbiome en lien avec notre mode vie sont des sujets majeurs de recherches actuelles. Définir précisément les espèces microbiennes perdues et/ou les fonctions manquantes ou altérées pour la bonne santé de l’homme dans le contexte post-industriel est une priorité. La réintroduction d’espèces microbiennes est une piste explorée prometteuse. La complexité de cette approche est d’établir si le bénéfice sera le même pour différents individus constitués par une diversité microbienne qui leur est propre et donc unique. Cibler les fonctions altérées et les restaurer est une autre méthode envisagée, et de nombreuses études cherchent à établir l’intérêt possible de cette démarche[18].

Comprendre la dynamique du dialogue que nous établissons tout au long de notre vie avec nos microbes est donc un enjeu majeur en santé humaine. Soutenir au quotidien la durabilité de cette symbiose pourrait permettre de favoriser les échanges bénéfiques afin de prévenir les maladies chroniques.

Bibliographie

[1] Hooper et Gordon, « Commensal Host-Bacterial Relationships in the Gut ».

[2] Eberl, « A New Vision of Immunity ».

[3] Clemente et al., « The Microbiome of Uncontacted Amerindians ».

[4] Martínez et al., « The Gut Microbiota of Rural Papua New Guineans ».

[5] Smits et al., « Seasonal Cycling in the Gut Microbiome of the Hadza Hunter-Gatherers of Tanzania ».

[6] Pasolli et al., « Extensive Unexplored Human Microbiome Diversity Revealed by Over 150,000 Genomes from Metagenomes Spanning Age, Geography, and Lifestyle ».

[7] Sonnenburg et Sonnenburg, « The Ancestral and Industrialized Gut Microbiota and Implications for Human Health ».

[8] Wang et al., « Global, Regional, and National Life Expectancy, All-Cause Mortality, and Cause-Specific Mortality for 249 Causes of Death, 1980–2015 ».

[9] Vangay et al., « US Immigration Westernizes the Human Gut Microbiome ».

[10] Blaser et Falkow, « What Are the Consequences of the Disappearing Human Microbiota? »

[11] Walter et Ley, « The Human Gut Microbiome ».

[12] O’Keefe et al., « Fat, Fibre and Cancer Risk in African Americans and Rural Africans ».

[13] Chassaing et al., « Dietary Emulsifiers Impact the Mouse Gut Microbiota Promoting Colitis and Metabolic Syndrome ».

[14] Marco et al., « Health Benefits of Fermented Foods ».

[15] Roca et al., « The Global Threat of Antimicrobial Resistance ».

[16] Blaser, « The Past and Future Biology of the Human Microbiome in an Age of Extinctions ».

[17] Zimmermann et al., « Mapping Human Microbiome Drug Metabolism by Gut Bacteria and Their Genes ».

[18] Sonnenburg et Sonnenburg, « Vulnerability of the Industrialized Microbiota ».

Auteurs

Dr. Emelyne LECUYER