L’épidémie de COVID-19 causé par l’infection par le virus nommé SARS-CoV-2, qui s’est déclenchée à la fin de l’année 2019 dans la province du Hubei à Wuhan en Chine, et qui s’est rapidement propagée au reste du monde, se caractérise, dans les formes les plus graves, par un syndrome de détresse respiratoire aiguë sévère, ou SRAS. De nombreux arguments ont rapidement conduit la communauté médicale et scientifique à questionner l’implication du microbiote intestinal dans la sévérité à l’infection.
En effet, des recherches menées dans les années 2000 avaient déjà permis de constater, lors de précédentes infections par des coronavirus, que le SRAS est notamment associé à des symptômes gastro-intestinaux (diarrhées, vomissements, douleurs abdominales, nausées, anorexie)1, symptômes également observés lors de l’infection par le SARS-CoV-22. Néanmoins rien ne permet à l’heure actuelle d’établir si ces symptômes gastro-intestinaux sont un signe de sévérité de l’infection. Différentes études dont une récente publiée sur le site MedRxiv, analysant les résultats obtenus dans différentes cohortes de patients (Italie, Etats-Unis et Europe), suggèrent même l’inverse, puisqu’ils ont constaté que les symptômes gastro-intestinaux associés à l’infection au SARS-CoV-2, sont corrélés à une réduction de la sévérité de l’infection3,4.
Quel que soit la présence ou non des symptômes gastro-intestinaux, d’autres recherches ont montré que la sévérité à l’infection serait associée à une plus forte activité de réplication du virus, détectée dans les échantillons de selles des patients hospitalisés5. En effet, la caractérisation du cycle infectieux du virus (invasion, multiplication et dispersion), a permis de comprendre que le récepteur sur lequel le virus s’attache, qui constitue en quelque sorte la porte d’entrée du virus, est abondamment exprimé à la surface de l’épithélium* des voies respiratoires supérieures mais est également abondamment exprimé sur l’épithélium intestinal6,7,8. Néanmoins, la présence seule de ce récepteur et des composants nécessaires à l’entrée du virus dans la cellule, ne permettent pas de comprendre pourquoi le virus se réplique plus favorablement dans les cellules intestinales chez certains patients. Les recherches actuelles tentent d’abord d’établir si l’intestin constitue un véritable réservoir viral, c’est-à-dire un site où le virus continuerait à se multiplier, et si cette persistance intestinale participe à l’aggravation de l’état des malades, ou bien même à la persistance du virus à plus long terme.
Ces questions sont d’autant plus importantes car de nombreux patients présentent des symptômes inflammatoires récurrents et persistants à long terme.
En parallèle d’un taux de réplication virale intestinal élevé, les chercheurs ont observé des différences notables dans la composition et les fonctions microbiennes entre les patients sévèrement ou modérément atteints par le SARS-CoV-25. La production des acides gras à chaînes courtes, qui sont des produits issus de la fermentation bactérienne, dont les propriétés anti-inflammatoires et de maintien du bon fonctionnement intestinal sont bien connus de la communauté scientifique, est notamment associée aux cas les moins sévères5. Ces récentes données renforcent celles de précédents travaux menés sur un autre type de virus, l’Influenza, montrant que certains métabolites microbiens intestinaux participent à la réponse antivirale précoce permettant le contrôle de l’infection par le système immunitaire pulmonaire9,10.
Ces nouvelles pistes pourraient permettre soit de dépister les personnes à risque de développer des formes graves, soit d’établir de nouveaux traitements pour contrer l’aggravation de l’infection. En effet, l’altération initiale de la composition du microbiome intestinale comme facteur prédisposant au développement des formes sévères est une hypothèse fortement suggérée par l’observation d’une plus forte incidence de la sévérité de l’infection au SARS-CoV-2 chez des personnes présentant des pathologies pour lesquelles l’altération de l’équilibre microbien est observée, telles que l’obésité, l’hypertension artérielle et le diabète de type 211,12. Néanmoins, la difficulté de récupérer les échantillons au temps précoce avant même l’hospitalisation, ne permet pas toujours d’établir si la composition microbienne intestinale initiale, avant l’infection, peut favoriser le développement du virus.
L’utilisation des modèles expérimentaux13, permettront de mieux comprendre la cinétique de ces changements microbiens de façon à identifier les déterminants conduisant à l’aggravation de la maladie, et également, de tester si des traitements permettant de restaurer le microbiome par intervention nutritionnelle et/ou supplémentation en produit microbiens bénéfiques, dès le début de l’infection, pourrait limiter l’aggravation de la maladie11.
*épithélium : cellules qui bordent l’intérieur des organes creux comme la peau, les poumons ou l’intestin.
Références
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Auteur
Emelyne Lecuyer