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Qui n’a pas entendu parler de l’axe intestin-cerveau ces dernières années ? L’intestin est  considéré comme le deuxième cerveau et le microbiote intestinal est mentionné dans tous les médias. Le microbiote, ou microbiome, apparaît comme un acteur clé de l’axe intestin-cerveau1.

Le terme axe convient parfaitement en l’occurrence puisque l’intestin transmet des informations au cerveau et vice-versa ; on parle de communication bidirectionnelle2–4. Si cette notion n’est pas récente et remonte au moins à la Grèce antique (notamment grâce aux travaux d’Hippocrate), des études récentes illustrent en revanche ces observations anatomiques de longue date. On trouve notamment des liens entre maladies psychiatriques ou neurodégénératives et maladies gastro-intestinales chez des cohortes de patients. Certaines études suggèrent également que l’humeur, l’anxiété ou la sensibilité au stress peuvent être corrélées avec la fréquence et l’intensité de douleurs abdominales ou encore le transit intestinal5,6.

Mais comment cela se passe-t-il concrètement au niveau biologique ? Le contrôle de la fonction intestinale par le cerveau semble facile à appréhender, puisqu’il orchestre également la fonction de l’ensemble des organes. D’un point de vue anatomique, la voie de communication la plus évidente est la voie nerveuse. En effet le cerveau, à travers ses connexions avec la moelle épinière, mais aussi via le nerf vague (qui relie quasiment tous les viscères au système nerveux central), est directement connecté à l’intestin. On sait par exemple depuis bien longtemps que ces nerfs contrôlent l’activité de certains muscles, participant ainsi à la fonction digestive. Cette voie est extrêmement rapide, de l’ordre de la seconde. Plus récemment, les recherches ont démontré que les neurones qui composent ces nerfs sont capables de détecter, transmettre et interpréter des signaux locaux tels que la quantité de nutriments, mais aussi la quantité et la nature des microorganismes composant le microbiote7,8. D’autre part, il est évident que l’intestin et le cerveau peuvent communiquer de manière plus indirecte, à travers la voie sanguine. Ainsi, toute molécule qui circule dans le sang va voyager dans l’intestin et le cerveau, en passant par l’ensemble du corps. Cette voie est moins rapide que la précédente, plutôt de l’ordre de la minute. Encore une fois, il est scientifiquement établi que le cerveau peut agir sur les viscères au même titre que sur les muscles à travers la production d’hormones, qui sont libérées dans le sang. De la même manière, un signal tel que la quantité de nutriments ingérée au cours d’un repas peut être transmis au cerveau via la reconnaissance du nutriment lui-même, circulant dans le sang, directement au sein du cerveau.

Mais comment cela peut-il affecter notre humeur, voire notre comportement ? Un nombre gigantesque de molécules se trouvent dans le sang et une partie d’entre elles proviennent de l’intestin. Parmi ces molécules, on trouve bien entendu des hormones, mais aussi des facteurs produits par le système immunitaire, au contact avec notre fameux microbiote. Mais ce n’est pas tout, le microbiote lui-même est capable de produire une variété de molécules dont certaines vont se retrouver dans notre circulation sanguine9. Des travaux récents montrent même que notre cerveau possède des récepteurs dont la fonction spécifique est de reconnaître ces molécules microbiennes10.

Ainsi, si l’on est encore loin de comprendre comment le microbiote peut affecter notre cerveau de façon complexe et multiple, les différentes voies de communication sont aujourd’hui étudiées sous toutes les coutures aussi bien chez l’homme que dans les modèles animaux de laboratoire. Une chose est sûre, comme pour tout système biologique, la communication entre intestin et cerveau repose sur un équilibre harmonieux mais fragile qui lorsqu’il est rompu, peut compromettre la santé de l’individu.

L’axe intestin-cerveau.

Il existe de multiples voies, directes et indirectes, par lesquelles le cerveau et l’intestin peuvent communiquer de manière bidirectionnelle. Les deux voies majeures, la voie nerveuse (nerf vague représenté en gris) et la voie sanguine (réseau artériel en bleu et veineux en rouge) relient physiquement ces deux organes malgré leur distance. Ainsi, tout signal produit au sein de l’intestin est potentiellement détecté par le cerveau, et vice-versa. Les molécules relarguées par le microbiote (nutriments ou fragments de bactéries par exemple, représentées par les petits ronds verts) peuvent être directement détectées et engendrer différentes réponses. Cependant cette communication intestin-cerveau est bien plus complexe car elle implique non seulement ces deux organes mais aussi l’ensemble des systèmes de notre organisme. Ainsi, le système immunitaire, particulièrement actif dans l’intestin, joue un rôle intermédiaire important. C’est en effet lui qui connaît intimement notre microbiote et est capable de détecter tout changement de ce dernier. Les cellules immunitaires activées au contact des microorganismes peuvent elles aussi produire des molécules qui stimulent le nerf vague ou qui voyagent dans le sang jusqu’au cerveau. Les cellules elles-mêmes peuvent d’ailleurs emprunter cette voie. Par ailleurs, des recherches récentes suggèrent que les signaux émis par le microbiote peuvent être « mémorisés » par nos cellules via des mécanismes épigénétiques et ainsi entraîner des effets à long terme.

Bibliographie

  1. Mayer, E. A., Knight, R., Mazmanian, S. K., Cryan, J. F. & Tillisch, K. Gut Microbes and the Brain: Paradigm Shift in Neuroscience. J. Neurosci. 34, 15490–15496 (2014).
  2. Grenham, S., Clarke, G., Cryan, J. F. & Dinan, T. G. Brain-Gut-Microbe Communication in Health and Disease. Front. Physiol. 2, (2011).
  3. Mayer, E. A. Gut feelings: the emerging biology of gut-brain communication. Nat. Rev. Neurosci. 12, 453–466 (2011).
  4. Cryan, J. F. & Dinan, T. G. Mind-altering microorganisms: the impact of the gut microbiota on brain and behaviour. Nat. Rev. Neurosci. 13, 701–712 (2012).
  5. Folks, D. G. The interface of psychiatry and irritable bowel syndrome. Curr. Psychiatry Rep. 6, 210–215 (2004).
  6. Buie, T. et al. Evaluation, diagnosis, and treatment of gastrointestinal disorders in individuals with ASDs: a consensus report. Pediatrics 125 Suppl 1, S1-18 (2010).
  7. Furness, J. B. The enteric nervous system and neurogastroenterology. Nat. Rev. Gastroenterol. Hepatol. 9, 286–294 (2012).
  8. Bonaz, B. L. & Bernstein, C. N. Brain-Gut Interactions in Inflammatory Bowel Disease. Gastroenterology 144, 36–49 (2013).
  9. Capuron, L. & Miller, A. H. Immune system to brain signaling: neuropsychopharmacological implications. Pharmacol. Ther. 130, 226–238 (2011).
  10. Arentsen, T. et al. The bacterial peptidoglycan-sensing molecule Pglyrp2 modulates brain development and behavior. Mol. Psychiatry 22, 257–266 (2017).

Auteurs

Marion RINCEL