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Il existe un lien fort entre la maladie d’Alzheimer et l’inflammation chronique1. En effet les patients atteints de la maladie d’Alzheimer souffrent souvent de maladies inflammatoires concomitantes telles que la dépression et l’arthrite rhumatoïde, et l’inflammation sous-jacente semble accélérer le vieillissement du cerveau.

L’explosion de la recherche sur le microbiote a mis en avant le rôle de celui-ci dans l’inflammation chronique de bas grade. Un système immunitaire immature ou perturbé (par des stress, infections, alimentation) pourrait représenter une origine commune à toutes ces pathologies. En particulier, les perturbations intervenant pendant le développement (in utero puis chez l’enfant) laissent une empreinte durable qui favorise l’inflammation chronique et la pathologie. Le microbiote lui-même peut porter cette empreinte, de par la modification de sa composition notamment. De très nombreuses études ont rapporté des altérations de la composition du microbiote intestinal chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Certaines bactéries intestinales sont même à l’étude comme traitement potentiel de la démence2. Le microbiote intestinal est de loin le plus abondant, mais notre organisme héberge aussi tout un écosystème microbien dans la bouche, dans les poumons, sur la peau et plus généralement dans toutes les muqueuses. Récemment, il a été suggéré que le microbiote oral, en particulier dans un contexte de parodontite (gingivite), pourrait être un autre acteur clé dans la maladie d’Alzheimer3,4 (mais aussi d’autres maladies à composante inflammatoire comme par exemple l’arthrite rhumatoïde5). En effet une certaine proportion de patients atteints de la maladie d’Alzheimer souffre également de parodontite, et inversement. De plus, il a été observé que la sévérité des atteintes gingivales et la sévérité de la démence sont corrélées4,6. 

Parmi les bactéries pathogènes spécifiques de la parodontite, certaines espèces comme P. gingivalis pourraient jouer un rôle particulier dans cette association. Il semble que P. gingivalis a la capacité d’infiltrer le cerveau, puisque son ADN a pu y être détecté aussi bien chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer que dans les modèles animaux de gingivite induite7. Toutefois, même en absence de P. gingivalis, des études chez l’animal ont montré une aggravation de la neurodégénérescence (phénomène responsable de la démence) lorsque les gencives sont inflammées, suggérant que des mécanismes liés à l’inflammation en elle-même, par exemple la migration de cellules immunitaires activées dans les gencives vers le cerveau, pourraient contribuer à l’association entre parodontite et maladie d’Alzheimer8,9.

Il reste à déterminer à quel point le microbiote oral peut affecter ces maladies indépendamment du microbiote intestinal. En effet ces différents microbiotes sont en constante interaction. Il a été observé par exemple la présence de certaines bactéries orales dans l’intestin de patients souffrant de maladies digestives chroniques10–12. 

En conclusion, de nombreuses évidences impliquent le microbiote intestinal mais aussi oral dans la maladie d’Alzheimer, bien que des études complémentaires soient requises afin de démontrer son rôle causal. 

Références

1. Heppner, F. L., Ransohoff, R. M. & Becher, B. Immune attack: the role of inflammation in Alzheimer disease. Nat. Rev. Neurosci. 16, 358–372 (2015).

2. Kesika, P., Suganthy, N., Sivamaruthi, B. S. & Chaiyasut, C. Role of gut-brain axis, gut microbial composition, and probiotic intervention in Alzheimer’s disease. Life Sci. 264, 118627 (2021).

3. Dioguardi, M. et al. The Role of Periodontitis and Periodontal Bacteria in the Onset and Progression of Alzheimer’s Disease: A Systematic Review. J. Clin. Med. 9, (2020).

4. Beydoun, M. A. et al. Clinical and Bacterial Markers of Periodontitis and Their Association with Incident All-Cause and Alzheimer’s Disease Dementia in a Large National Survey. J. Alzheimers Dis. JAD 75, 157–172 (2020).

5. Hajishengallis, G. & Chavakis, T. Local and systemic mechanisms linking periodontal disease and inflammatory comorbidities. Nat. Rev. Immunol. 1–15 (2021) doi:10.1038/s41577-020-00488-6.

6. Noble, J. M. et al. Serum IgG Antibody Levels to Periodontal Microbiota Are Associated with Incident Alzheimer Disease. PLoS ONE 9, (2014).

7. Dominy, S. S. et al. Porphyromonas gingivalis in Alzheimer’s disease brains: Evidence for disease causation and treatment with small-molecule inhibitors. Sci. Adv. 5, eaau3333 (2019).

8. Kantarci, A. et al. Combined administration of resolvin E1 and lipoxin A4 resolves inflammation in a murine model of Alzheimer’s disease. Exp. Neurol. 300, 111–120 (2018).

9. Kantarci, A. et al. Microglial response to experimental periodontitis in a murine model of Alzheimer’s disease. Sci. Rep. 10, 18561 (2020).

10.Gevers, D. et al. The treatment-naive microbiome in new-onset Crohn’s disease. Cell Host Microbe 15, 382–392 (2014).

11.Schirmer, M. et al. Compositional and Temporal Changes in the Gut Microbiome of Pediatric Ulcerative Colitis Patients Are Linked to Disease Course. Cell Host Microbe 24, 600-610.e4 (2018).

12.Atarashi, K. et al. Ectopic colonization of oral bacteria in the intestine drives TH1 cell induction and inflammation. Science 358, 359–365 (2017).

Auteur

Marion Rincel

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